Le défibrillateur est obligatoire : la proposition de loi menée par le député Jean-Pierre Decool a été adoptée à l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

LE DÉFIBRILLATEUR EST OBLIGATOIRE : PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE A L’ASSEMBLÉE NATIONALE (13 OCTOBRE 2016)

Après de nombreuses propositions visant à rendre obligatoire le défibrillateur, le 13 octobre 2016 dernier, l’Assemblée Nationale a adopté la proposition de loi relative au déploiement des défibrillateurs cardiaques dans les établissements recevant du public (ERP). Retrouvez les propositions de loi sur les défibrillateurs dans notre article : Le défibrillateur va t’il devenir obligatoire ?

Retournement de situation le 13 octobre 2016, les députés votent la loi visant à équiper certains établissements recevant du public (ERP). D’une façon plus général la loi s’articule en trois axes principaux : L’obligation d’équipement en défibrillateurs dans les établissements recevant du public (ERP), l’obligation de maintenance des appareils pour ces établissements et enfin la création d’une base de données unique pour la localisation des défibrillateurs.

La partie n’était pourtant pas gagné face à l’opposition de certains parlementaires en commission le 5 octobre 2016. Consultez le rapport : Commission des affaires sociales du 05/11/2016. Consultez également notre article : Législation défibrillateur : la Commission rejette la proposition de loi à l’Assemblée nationale.

Comme nous avions pu l’évoquer dans un précédent article : Localiser les défibrillateurs en France : géolocalisation des DAE, différentes solutions de géolocalisation privées existent sur internet mais la création d’une base de données unique publique facilitera le suivi et la transmission des données aux services de secours. A noter également que le sénateur Alex Turk a déposé une proposition similaire au Sénat. Pionnier dans le domaine, ce dernier avait déjà des propositions de loi. Cette nouvelle action conjointe à surement faciliter la passation de la loi.

La proposition de loi adoptée par l’Assemblée Nationale en bref

Retrouvez la loi adoptée par l’Assemblée nationale :  Synthèse de la loi adoptée par l’Assemblée Nationale en première lecture

Retrouvez le compte rendu de la session ordinaire du 13/10/2016 : Compte rendu intégral de la proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque

L’obligation du défibrillateur dans les établissements recevant du public (ERP)

« Art. L. 123-5. – Un décret en Conseil d’État détermine les types et catégories d’établissement recevant du public qui sont tenus de s’équiper d’un défibrillateur automatisé externe visible et facile d’accès, ainsi que les modalités d’application de cette obligation.  Lorsqu’un même site accueille plusieurs établissements recevant du public, ces derniers peuvent mettre en commun un défibrillateur automatisé externe. »

L’obligation de maintenance des défibrillateurs

« Art. L. 123-6. – Les propriétaires des établissements mentionnés à l’article L. 123-5 sont tenus de s’assurer de la maintenance du défibrillateur automatisé externe et de ses accessoires conformément aux dispositions de l’article L. 5212-1 du code de la santé publique. »

La création d’une base de données nationale avec géolocalisation des défibrillateurs pour les services de secours

« Art. L. 5233-1. – Il est créé une base de données nationale relative aux lieux d’implantation et à l’accessibilité des défibrillateurs automatisés externes sur l’ensemble du territoire, constituée au moyen des informations fournies par les exploitants de ces appareils à un organisme désigné par décret pour la gestion, l’exploitation et la mise à disposition de ces données. Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe les informations devant être fournies par les exploitants ainsi que les modalités de leur transmission. »

Préambule de la discussion de proposition de loi

Lors de l’ouverture de la séance, le député Jean-Pierre Decool établit en bilan de l’arrêt cardiaque en France (50.000 ACR/an) et fait un parallèle avec  la Norvège qui enseigne à ses élèves de sept à seize ans les gestes de premier secours. Résultat, 95% de la population est formée  !

Le député Julien Dive fait également remarquer qu’en France « vous avez aussi, par exemple, plus de chances de survivre à un arrêt cardiaque dans un avion que dans la rue ! En moyenne, les chances sont de l’ordre de 17 % en vol, contre 3 % au sol. »

Le député Philippe Folliot rappelle aussi la grande hétérogénéité de la répartition des défibrillateurs sur le territoire : « l’équipement en défibrillateur entièrement automatique varie ainsi de 5 à près de 4 000 pour 100 000 habitants. » Or le taux survie à un arrêt cardiaque est liée à la densité en défibrillateurs. Cela justifie d’en augmenter le nombre et d’assurer une répartition plus homogène.

Philippe Folliot ajoute que « seuls 15 % des stades français sont équipés d’un défibrillateur. » Or comme l’indique le député Gérard Sebaoun  « les trois sports qui entraînent le plus grand nombre de cas de morts subites dans notre pays sont le cyclisme, pratiqué par beaucoup de Français, la course à pied et le football. L’immense majorité de ces morts subites – 95 % – concernent des hommes, dont la moitié ont moins de 45 ans, et seulement 30 ans pour les footballeurs et les basketteurs. »

Partant de ce postulat, la proposition de loi s’articule en 4 articles :

  • Article 1 : concerne les sanctions proposées en cas de vandalisme sur les défibrillateurs
  • Article 2 : concerne la mise en place d’initiation à l’utilisation du défibrillateur
  • Article 3 : concerne l’obligation d’équipement en défibrillateur
  • Article 4 : concerne les mesures de financement de la proposition de loi

Le défibrillateur est obligatoire dans les ERP

Article 3 (amendements no 10 et 16)

Amendement établissant une obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe – DAE –pour certains établissements recevant du public (ERP).

L’installation de DAE au sein des ERP – établissements recevant du public –, modulée selon la catégorie et la capacité d’accueil des ERP, présente un intérêt certain en termes de santé publique. Elle a fait l’objet de recommandations par le Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire et par l’Académie de médecine, qui ont souligné l’intérêt d’installer ces dispositifs médicaux dans les lieux de passage fréquentés par une population importante et dans les lieux où le risque de mort subite est le plus important, comme les stades, les équipements sportifs, etc. Le décret d’application pourra ainsi viser les centres commerciaux, les administrations ou les enceintes sportives.

A noter qu’un décret en Conseil d’État fixera les types et catégories d’établissements impactés par le cette loi.

En France, les ERP (établissements recevant du public) sont divisés en 5 catégories :

  • Niveau 1 : à partir de 1 501 personnes
  • Niveau 2 : de 701 à 1 500 personnes
  • Niveau 3 : de 301 à 700 personnes
  • Niveau 4 : jusqu’à 300 personnes
  • Niveau 5 : en fonction de seuils d’assujettissement

Plus d’information sur le site : service-publique.fr

Le défibrillateur ne sera pas obligatoire dans les immeubles collectifs à usage principal d’habitation

Amendement numéro 7, portant article additionnel après l’article 3

Selon M. Jean-Pierre Decool, 70 % des arrêts cardiaques survenaient au domicile. Partant de ce constat, il propose que les immeubles collectifs à usage principal d’habitation comportant un nombre de logements supérieur à un seuil qui serait défini en Conseil d’État soient équipés d’un défibrillateur automatisé externe accessible. C’est à l’endroit où existe la plus forte probabilité d’arrêts cardiaques qu’il faut répondre à cette attente et améliorer la chance de survie.

Cependant, selon Mme Pascale Boistard, l’amendement visant à établir une obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe dans certains établissements recevant du public permettrait d’améliorer le maillage du territoire. Elle relève également le fait que l’adoption d’une telle disposition ne peut se faire sans concertation préalable avec les acteurs du secteur tels que les associations de bailleurs privés ou publics et les associations de propriétaires ou de locataires.

 

Le défibrillateur ne sera pas obligatoire dans les établissements de plus de cinquante salariés et les locaux commerciaux

Article 3 (amendements no 6 et 8)

Selon M. Decool, l’amendement N°6 tend à l’implantation de défibrillateurs dans les lieux publics ou privés en particulier les établissements de plus de cinquante salariés et les locaux commerciaux. De son côté, l’amendement N°8 a pour objet la présence de défibrillateurs dans les établissements recevant du public (publics ou privés).

 

La création d’une base de base de données nationale relatives aux lieux d’implantation des défibrillateurs

Mme Pascale Boistard (secrétaire d’État) propose la constitution d’une base nationale de données relatives aux lieux d’implantation des défibrillateurs cardiaques automatisés externes dans l’ensemble du territoire.

La création d’une base de données aura un double objectif : elle permettra à tous, en particulier aux services d’aide médicale urgente et aux centres de traitement des appels des services d’incendie et de secours, de géolocaliser les défibrillateurs automatisés externes à proximité du lieu d’un arrêt cardiaque, permettant ainsi à la personne qui appelle ces services d’utiliser le défibrillateur conjointement aux gestes de secours. Elle facilitera par ailleurs les opérations de maintenance de ces dispositifs médicaux. La base nationale doit être accessible aux opérateurs publics et privés pour faciliter l’accès de la population à ces appareils en cas d’urgence.

Cette base de données servira de base de données exhaustive géré par un organisme public.

Selon M. Philippe Folliot, ce texte de loi présente deux avancées intéressantes : le déploiement dans les lieux accueillant un public nombreux – il paraît en effet paradoxal que dans les stades il y ait des extincteurs partout et pas de défibrillateurs – et la constitution d’une base de données permettant de savoir où se trouve le défibrillateur le plus proche.

La maintenance des défibrillateurs est obligatoire

La proposition de loi vise également à rendre obligatoire la maintenance du défibrillateur par les propriétaires. Finalement rien de bien nouveau quand on sait que l’ANSM oblige les propriétaires de dispositifs médicaux de classe IIB (défibrillateurs) à assurer la maintenance de leur appareil. La question aurait plutôt était de savoir si la contractualisation d’un contrat de maintenance avec un société tiers devenait obligatoire.

Retrouvez le détail de la procédure de maintenance des défibrillateurs : Maintenance défibrillateurs : Recommandations ANSM

La formation au défibrillateur n’est pas reprise de la proposition de loi

La question de la formation reste un sujet épineux. Le député Jean-Pierre Decool souhaite mettre en place une initiation courte, d’une à deux heures environ, pour faire acquérir aux enfants les gestes qui sauvent.

Il n’est pas sans rappeler que la loi n2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique prévoit la délivrance d’un cours d’apprentissage sur les premiers gestes de secours aux élèves des collèges et des lycées.

De même, la loi n2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile précise dans son article 5 que « tout élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d’un apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours ».

Enfin, le décret n2006-41 du 11 janvier 2006 relatif à la sensibilisation à la prévention des risques, aux missions des services de secours, à la formation aux premiers secours et à l’enseignement des règles générales de sécurité prévoit qu’au plus tard à l’issue du collège, les jeunes disposent de l’attestation de formation en prévention et secours civiques de niveau 1 – PSC1 –, laquelle inclut l’usage d’un défibrillateur automatisé externe.

Le problème est que ces lois ne sont pas appliquées ou très peu. Une nouvelle obligation ajouterai-t-elle une valeur ajoutée. Probablement que non !

Selon le député Boistard, évoqué néanmoins le fait que : » le ministère de l’éducation nationale est pleinement mobilisé, puisque 7 000 formateurs en prévention et secours civiques de niveau 1 assurent actuellement la formation de 30 % d’élèves et de personnels de l’éducation. Afin d’augmenter ce pourcentage, il est envisagé de faire passer le nombre de formateurs à 10 000. »

Quand la loi sera t’elle promulguée ?

Il est important de rappeler qu’en France, le processus législatif implique l’adoption du texte de loi par les deux chambres. Le texte de loi portant sur les défibrillateurs doit donc être validé par le Sénat avant sa promulgation. La grande question est donc de savoir quand ce texte sera étudié par le Sénat.

C’est d’ailleurs sur cet aspect que M. Gérard Sebaoun va conclure la séance : « Merci, monsieur Decool. Un dernier mot : j’espère que vous vous ferez le porte-parole de cette assemblée pour dire au Sénat de voter ce texte dans les mêmes termes. »

Avant d’être examiné en séance plénière, tout projet ou toute proposition de loi est transmis à une commission chargée de l’étudier. Dans le cas présent, il s’agit de la commission des Affaires sociales. Un rapporteur est alors désigné pour étudier le texte et envisager toutes les modifications qui lui paraissent nécessaires.

La commission examine ensuite la proposition de loi et réalise des propositions de modifications (amendements). La commission vote alors chaque amendement, chaque article, puis décide d’adopter ou de repousser l’ensemble du texte tel qu’il résulte des débats.

Les sénateurs ont la possibilité de déposer une seconde fois « en séance » des amendements qu’ils jugent nécessaires et qui n’auraient pas été satisfaits en commission. Lors d’une dernière séance, la commission considère ces amendements et donne son avis. Lorsque le texte est validé par la commission, celui-ci est discuté et voté par les sénateurs en séance publique.

La Constitution prévoit qu’une loi, pour être adoptée, doit avoir été votée dans des termes rigoureusement identiques au Sénat et à l’Assemblée nationale. Or, à partir d’un projet identique, les deux assemblées votent souvent des textes différents. La procédure de conciliation consiste à renvoyer le texte entre les deux chambres jusqu’à la conclusion d’un accord commun. Il s’agit du principe de la navette parlementaire, qui peut parfois durer longtemps.

Les lois entrent en vigueur, sur tout le territoire, le lendemain de leur publication au Journal officiel de la République française (JORF).

Le site du Sénat propose une Timeline très pratique pour suivre les étapes de la discussion sur la proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque : Timeline proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque

Edit le 22/05/2018 : Une discussion en séance publique est programmée le 13 juin 2018 au Sénat.

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